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Liberté d'expression du salarié : quelles limites entre discrétion, réserve et abus ?

La liberté d'expression est un droit fondamental garanti à tous, y compris aux salariés. Toutefois, cette liberté connaît des limites dans le cadre professionnel. Un salarié peut-il tout dire sur son employeur ou ses collègues ? Quels sont les risques en cas d'abus ? Cet article explore la distinction entre liberté d’expression et obligation de réserve, en s'appuyant sur des décisions récentes de la jurisprudence.



La liberté d'expression du salarié : un principe encadré

 

L'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article L. 1121-1 du Code du travail garantissent la liberté d'expression. Toutefois, cette liberté doit s'exercer dans les limites du respect d'autrui et des intérêts légitimes de l'entreprise.

 

Ainsi, le salarié ne peut pas :

 

·      Dénigrer son employeur ou ses collègues de manière injurieuse

·      Divulguer des informations confidentielles

·      Tenir des propos diffamatoires ou discriminatoires

 

Les juges opèrent une distinction entre critique légitime et abus manifeste, en tenant compte du contexte, des termes employés et de la diffusion des propos.

 

Abus de la liberté d’expression : des exemples concrets

 

La jurisprudence illustre bien les situations où la liberté d’expression bascule dans l’excès.

 

Exemple 1 : Des propos injurieux sur un collègue et détournement d’un sigle


Dans un arrêt récent (Cass. soc. 11-12-2024 n° 23-20.716), un salarié avait :

 

-       Désigné un collègue sous une appellation dénigrante

-      Détourné l’intitulé officiel d’un entretien interne pour tourner en ridicule le directeur général

 

La Cour de cassation a confirmé que ces propos constituaient un abus de la liberté d’expression, même s’ils avaient une diffusion restreinte. La gravité des termes employés justifie une sanction disciplinaire.

 

Exemple 2 : Critiques de l’entreprise et messages dénigrants envoyés par téléphone professionnel


Un autre cas concernait un salarié qui envoyait, via son téléphone professionnel, des messages privés contenant des critiques virulentes envers son employeur et ses dirigeants.

 

Le salarié contestait toute faute, estimant que ces échanges relevaient de sa vie privée.La Cour a rejeté cet argument, en rappelant que ces messages bénéficiaient d’une présomption de caractère professionnel, puisqu’ils avaient été envoyés via un outil mis à disposition pour le travail.

 

Conséquence : ces propos ont été retenus contre le salarié dans une procédure disciplinaire, indépendamment du fait qu’ils n’étaient pas destinés à être rendus publics.

 

Quels risques pour le salarié en cas d’abus ?

 

Les conséquences d’un abus de la liberté d’expression peuvent être sévères :

 

-       Sanction disciplinaire : avertissement, blâme ou mise à pied

-       Licenciement pour faute grave : si les propos sont particulièrement injurieux ou diffamatoires

-       Poursuites judiciaires : pour diffamation, injure publique ou atteinte à l’image de l’entreprise

 

Conclusion : prudence et modération sont de mise

 

Si la liberté d'expression reste un droit fondamental, elle ne permet pas tout en entreprise. Les salariés doivent veiller à respecter une certaine réserve, notamment dans leurs communications écrites et orales. La jurisprudence rappelle que des propos déplacés, même en cercle restreint, peuvent justifier des sanctions disciplinaires, voire un licenciement.

 

À retenir : avant d'envoyer un message ou de faire un commentaire, demandez-vous si vos propos pourraient être interprétés comme une atteinte à l'honneur d'un collègue ou de votre employeur !

 

Jessica AFULA,

Avocate au Barreau Paris

 




Liberté d’expression salarié ; Obligation de réserve en entreprise ; Propos injurieux au travail ; Licenciement pour faute grave propos déplacés ; Jurisprudence droit du travail liberté d'expression

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